Premières lignes #83

Entre neige et loup est un joli récit poétique qui se situe entre l’aventure et la légende. Lila vit sur une île de l’archipel japonaise éternellement enneigée. Le jour où elle croit son père disparu dans la tempête, elle quitte la maison et part à sa recherche. C’est le début d’une quête, escortée par deux petites grenouilles, un chat et bientôt un magnifique loup blanc très protecteur, à la recherche de son père mais aussi de ses origines. Dans la forêt magique, la jeune fille rencontre des démons et un jizô, ce petit esprit de la forêt, qui ne s’exprime qu’en rimes ou qu’en haikus. Lila apprendra très vite qui est sa mère et pourquoi l’île est constamment enneigée.

C’est un parcours initiatique mais aussi un voyage à travers les légendes et les traditions d’un Japon lointain. La neige permet de douces nuances de couleurs et bientôt l’île se découvre chaleureuse et merveilleuse.

Agnès Domergue et Hélène Canac. Entre neige et loup. 2019

Les premières lignes sont des rendez-vous hebdomadaires initiés par Ma Lecturothèque. Les Premières lignes des autres participants sont à découvrir sur son blog.

Eden

Dans une région indéterminée coincée entre une autoroute et une forêt menacée de destruction par une exploitation forestière, des adolescentes grandissent, rêvent, aspirent à un avenir meilleur et se révoltent contre un monde injuste et cruel, régenté par des hommes imbus de leur puissance.

Mon cœur battait à un rythme aussi lent que celui de la création de la terre, les mouvements d’un glacier, l’érosion d’une montagne.

Comme le village des origines, Eden se situe à la lisière : à la lisière entre la forêt et la ville, entre l’ordre et le chaos, entre le rêve et le cauchemar, entre la sororité et la meute, entre la justice et la vengeance. Nita, Kishi, Lucy et les autres se rendent chaque jour au lycée. Certaines, comme Lucy, attirent le regard des jeunes hommes ; d’autres, comme Kishi, les repoussent à coups de joggings informes. Nita, elle, la narratrice, subit gestes et mots déplacés qui semblent le quotidien de ces jeunes filles mais refuse la fatalité et, pleine d’énergie et de conviction, ose se confronter au trio Scott, Conrad et Awan ainsi qu’aux hommes de l’exploitation forestière. Le monde semble divisé en deux entités. La forêt protectrice est un refuge pour les animaux traqués mais aussi pour les femmes qui viennent s’y ressourcer entre sœurs, comme les serveuses du Hollywood, puiser des forces en son sein et y prier des esprits bienfaisants. La forêt est associée au féminin dans tout ce qu’il a de plus sacré. A l’opposé, hormis deux figures masculines protectrices : le père de Lucy et l’inspecteur Lipszyc (si l’on met de côté les trois adolescents à qui l’autrice laisse la possibilité de devenir des hommes bons), les hommes sont associés à l’exploitation forestière : ils détruisent, déchirent femmes, forêt et animaux. Depuis que la forêt est menacée, certains hommes subissent d’ailleurs de violentes agressions sans que l’on sache si ce sont les femmes qui se vengent des viols qu’elles subissent ou les animaux, de leur forêt détruite. La police enquête.

Les myriades de cavaliers, envers de la pièce 2, scène 26 de la Tenture de l’Apocalypse © Antoine Ruais / CMN

Monica Sabolo, loin de regretter le paradis perdu, dénonce la violence d’un monde originel qui ne connaissait ni le bien ni le mal. Alors qu’il est communément admis qu’Eve a commis le péché originel en croquant dans la pomme, Eden propose une hypothèse plus violente encore : si les humains ont été chassés du paradis terrestre, c’est qu’Adam a abusé d’Eve. Monica Sabolo multiplie les références aux épisodes bibliques qui font écho à la cruauté du monde contemporain : les filles du Hollywood apparaissent comme des cavaliers de l’Apocalypse, détruisant tout sur leur passage, adeptes de la purification par le feu.

Des points lumineux surgissaient entre les arbres, suspendus aux branches, aussi fugaces qu’une idée, aussitôt disparue. Peu à peu ils parurent se synchroniser, dessinant des constellations éphémères, et ce fut comme un chant silencieux, des mots inscrits dans la nuit, une mystérieuse langue codée.

Eden est un mythe fondateur, réécrit au féminin qui, loin de nier la violence des origines, tente de rétablir l’équilibre en faisant subir un châtiment à ceux qui ont voulu détruire le féminin, le sacré, la nature et surtout l’espoir de ces jeunes filles pleines de rêves, de convictions, d’énergie et de désir d’un monde meilleur. Eden est un récit à la fois violent et onirique, une fable écologiste et féministe qui fait la part belle au mythe, au sacré, au sensible et à l’intangible. Monica Sabolo manie avec talent images et métaphores et sait dégager le lumineux derrière le récit de ces adolescences dévastées.

Monica Sabolo. Eden. 2019

Nous sommes l’étincelle

Dans la série « Je ne suis plus une princesse », je suis, pour la première fois, allée jusqu’au bout d’un roman d’anticipation : encore une histoire de survie en pleine forêt. Vincent Villeminot divise le temps de Nous sommes l’étincelle en quatre époques : la première a lieu dans les années 2020 : la jeune génération mène une manifestation qui se transforme en révolution. Aux quatre coins de l’Europe, des groupes d’anciens étudiants se retirent en forêt et tentent un modèle de vie en communauté plus proche de la nature, guidés par le traité de Thomas F., un doctorant dissident, Do not Count on Us dont des extraits ponctuent le récit. Dans les années trente, cette communauté s’éteint et laisse place à des ennemis sanguinaires. Dans les années quarante, Adam, fils des révolutionnaires du premier âge, et Allis, jeune lieutenante de police, traquent les braconniers avant de s’installer dans une cabane en pleine forêt. Vingt ans plus tard, les enfants du couple, éduqués comme trois petits sauvages, sont enlevés par leurs ennemis. Leurs parents, ainsi que les trois ermites qui ont traversé les quatre époques du récit, partent à leur recherche.

La nature nous enseigne le respect, la patience, l’endurance et la douceur… Mais c’est faux. Ces hommes mauvais connaissent parfaitement la nature, eux aussi, malgré leur violence. Ils la connaissent dans sa cruauté comme dans sa prodigalité. Ils s’en inspirent.

Nous sommes l’étincelle est une dystopie très politisée qui transpire la rage et le sang. Les personnages de tous les âges, effrayés par les bouleversements politiques et les catastrophes climatiques, vivent dans l’urgence et l’angoisse permanente que leur monde s’écroule. Révoltés par le silence et l’impuissance des pouvoirs politiques, ils prennent eux-mêmes en main leur propre survie. Dans la grande forêt, les cris, les coups et les balles pleuvent. L’espoir d’un monde meilleur a disparu ; on détruit l’utopie à travers les coups portés au corps ; l’instinct de survie dicte seul les comportements. Vincent Villeminot signe un roman noir, violent et sans pitié. Sa tendresse pour la communauté non-violente de la première époque est balayée par l’incompréhension des pouvoirs politiques et les armes à feu des hommes des années trente qui, eux, ont perdu espoir, idéalisme et foi en l’humanité.

Tu sais, on dit que quitter l’enfance, c’est perdre ses utopies… Devenir raisonnable. Moi, je crois que c’est l’inverse. C’est plutôt les choisir.

Villeminot aime la littérature et le fait savoir en baptisant un des arbres de la grande forêt, symbole de force vitale et de développement à la connotation biblique, du nom d’un des personnages principaux de Cent ans de solitude, le chef-d’œuvre de Gabriel Garcia Marquez. Nous sommes l’étincelle est le récit d’une traque haletante mimée par un style brutal et rythmé. En amoureux des mots, l’auteur parvient à faire ressentir la poésie de la violence et de l’horreur dans un monde étouffant, privé d’espoir. Les fréquents retours à la ligne permettent de mettre en valeur un mot ou une expression et de prendre de la distance avec la violence du propos pour goûter la beauté de la langue. Villeminot joue sur les chapitres et leurs sous-divisions pour ajouter du rythme à son récit : la lecture, comme le style, est scandée, rapide et douloureuse. Véritable coup de force littéraire pour nous faire comprendre, à travers ce roman engagé, à la fois poétique et sans concession, l’urgence de notre situation.

Vincent Villeminot. Nous sommes l’étincelle. 2019

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