De l’amour et autres démons

Je vis dans l’épouvante d’être vivant, avait-il déclaré un jour.

Alors qu’elle préparait sa fête d’anniversaire pour ses douze ans, la jeune Sierva Maria, fille unique du marquis de Casalduero, est mordue par un chien portant une lune blanche sur le front. Ayant voulu barrer la route de l’animal, trois esclaves ont succombé à leurs morsures. Quant à Sierva Maria, elle ne manifeste aucun symptôme de la rage.

Bottoni. Entrée en réclusion de Jeanne Le Ber. 1908

Inspiré par la découverte en 1942 du cadavre d’une recluse portant une chevelure de vingt-deux mètres de long, Garcia Marquez place son récit dans les Caraïbes du XVIIIe siècle. La jeune fille, délaissée par ses parents, grandit dans un milieu pauvre mais joyeux, parmi les esclaves noirs de la maisonnée. L’auteur narre le basculement de la vie de Sierva Maria depuis les gaies coutumes venues d’Afrique jusqu’aux rites exorcistes infligés par l’Inquisition. Alors que la petite ne semble pas avoir contracté la rage (une simple égratignure), tous s’acharnent à déceler le mal. Les médecins défilent chez le marquis jusqu’à ce que les prêtres s’en mêlent, alarmés par les maux infligés par les multiples traitements. La jeune fille contracte alors un mal-être physique assimilé à une forme de démence, une présence diabolique à exorciser. De la médecine à la religion, du mal physique au mal diabolique, Garcia Marquez fait basculer son récit (et la vie de son personnage) dans une atmosphère sensuelle et malsaine. Contrairement à la religieuse de Diderot, Sierva Maria ne se rebelle pas contre son enfermement injustifié mais n’en subit pas moins les perversions du couvent. La claustration aiguise la tension sexuelle de ces femmes frustrées, soumises, idéologiquement et administrativement, aux prêtres. La communauté se resserre contre celle qui porte en elle la marque du Diable (la morsure à la cheville) et celle de la féminité par excellence (la magnifique chevelure), pour l’ostraciser et l’exorciser.

Parce que les athées ne peuvent se passer des curés, dit Abrenuncio. Les patients nous confient leur corps mais non leur âme, et pour tenter de l’arracher à Dieu nous faisons le diable.

Sans pour autant dénoncer l’enfermement des femmes au XVIIIe siècle, Garcia Marquez oppose la vie à l’extérieur : la fête d’anniversaire, les jeux des esclaves, les achats au marché… à la vie à l’intérieur : la frustration, la jalousie, les relations perverses causées par la dénaturation de cette situation. Un brin voyeuriste, il éprouve toutefois un malin plaisir (et le lecteur aussi) à assister à la décadence et à la destruction des êtres les uns par les autres, sur fond de joyeuse confusion des sens et des mœurs.

Gabriel Garcia Marquez. De l’amour et autres démons. 1994

Premières lignes #52

C’était lui tel qu’il était : l’ombre de quelqu’un qu’elle n’avait jamais connu.

Près de vingt ans après Cent ans de solitude, Gabriel Garcia Marquez inscrit un récit d’amour au coeur des Caraïbes. Pendant plus de soixante ans, un trio de personnages, Florentino Ariza, Fermina Daza et Juvenal Urbino, entouré d’une farandole de maîtresses régulières ou occasionnelles, lutte contre le temps, l’amour et la maladie. Garcia Marquez soigne détails et densité du récit sans oublier sa touche personnelle d’humour et de magie.

C’était inévitable : l’odeur des amandes amères lui rappelait toujours le destin des amours contrariées. Le docteur Juvenal Urbino s’en rendit compte dès son entrée dans la maison encore plongée dans la pénombre où il était accouru d’urgence afin de traiter un cas qui pour lui avait cessé d’être urgent depuis déjà de nombreuses années. Le réfugié antillais Jeremiah de Saint-Amour, invalide de guerre, photographe d’enfants et son adversaire le plus charitable aux échecs, s’était mis à l’abri des tourments de la mémoire grâce à une fumigation de cyanure d’or. Il trouva le cadavre recouvert d’un drap sur le châlit où il avait toujours dormi, près d’un tabouret avec la cuvette qui avait servi à l’évaporation du poison.

Gabriel Garcia Marquez. L’amour aux temps du choléra. 1987

Les premières lignes sont des rendez-vous hebdomadaires initiés par Ma Lecturothèque. Les Premières lignes des autres participants sont à découvrir sur son blog.

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