C’était ma mère qui nous donnait des nouvelles l’un de l’autre, habituée qu’elle était à vivre parmi des hommes qui ne se parlaient pas.
Chaque été, Pietro et ses parents se rendent à Grana, un village de montagne au cœur du val d’Aoste. Les deux mois de vacances sont l’occasion pour le jeune garçon d’oublier le rythme effréné de la ville, de suivre son père sur les sentiers et de se laisser entraîner par Bruno, un adolescent natif de Grana.
Paolo Cognetti divise son roman en trois parties, trois saisons, trois époques de la vie. Le temps passe pour Pietro et Bruno mais les montagnes semblent immuables. Grana a un pouvoir attractif inaltérable sur le narrateur. C’est au cœur des montagnes que le jeune garçon effectue son apprentissage, auprès de son père, amoureux du lieu, et auprès des jeunes villageois, véritables produits de la montagne. C’est aussi à Grana que Pietro subit une crise d’adolescence froide, triste et silencieuse qui l’éloignera à la fois de Bruno, de son père et de la montagne. Des années plus tard, le jeune homme revient sur le lieu de vacances de son enfance et tente de se réconcilier avec son passé. Pietro retrouve Bruno, son ami, et redécouvre l’homme qu’était son père en suivant les traces laissées dans la montagne.

Cognetti confronte la figure de celui qui fuit à celle de celui qui reste et se demande lequel, de celui qui a fait le tour des huit montagnes ou de celui qui a gravi le plus haut sommet, a mieux compris le sens de l’existence. Pétris d’une vérité simple, les baite, les alpages, les mélèzes, les lacs gelés, les sentiers enneigés, la science du berger et celle du maçon semblent donner une leçon de vie à l’humble documentariste voyageur qu’est devenu Pietro. Véritable déclaration d’amour à la montagne, Cognetti signe un premier roman nostalgique et pudique sur l’ascétisme et la civilisation, l’ancrage et le besoin de fuite, les silences et les bruits de la nature, les difficultés relationnelles entre les hommes et l’inaltérabilité de l’amitié. Un sentiment triste de pureté qui donne des envies de retranchement.
Paolo Cognetti. Les huit montagnes. 2017